Variations sur In the mood for love de Wong Kar-wai,
En 48 passages, 22 variations sur une robe chinoise droite, cintrée, avec ourlet sous le genou, col Mao montant, ouverture devant raglan asymétrique, manches coques finies sous l’arrondi de l’épaule.
Plainte d’un violoncelle.
Pour visiter un nouvel appartement, un imprimé bouquets de roses anciennes sur fond de ciel turquoise.
Pour déménager, un entrelacs de rayures chocolat sur soie jade pâle. Ruban de passementerie à motif fleurs bleues pour la finition des manches, du col, et de l’ouverture raglan
Pour aller chercher son mari à l’aéroport, imprimé tourmenté avec ciel orageux et nuages de feu.
Pour jouer au ma-jong, un imprimé à effet dynamique, spirales rouges, bleues et vertes sur fond pastel, le col et les manches sont gansé de passementerie grise.
Pour le départ du mari, rayures zigzag noir verticales sur un fond dégradé. Epaules noires, dos blanc.
Pour le bureau, pour appeler la femme de son patron, motif peint main paysage vert d’eau sous ciel clair à passages nuageux sombres.
« Madame, ne l’attendez pas pour dîner ce soir, votre mari rentrera tard. »Pour une soupe à la cuisine, soie à rayures verticales arc en ciel sombre, gris, vert foncé, terre de Sienne, ocre, prune, violet, indigo.
Pour faire fonctionner l’autocuiseur, un taffetas changeant vert à trame fuchsia, col et manches bordées de passementerie vieux rose.
Pour lire le journal, un imprimé rayures mouchetées grises sur fond de page blanche. Mules roses.
Pour rapporter les romans de chevalerie qu’il lui a prêtés, robe sans manche, à motifs quadrillages blancs sur fond vert cru.
Pour descendre acheter une soupe, robe n°7 arc en ciel sombre.
Escalier couleur trahison, violoncelle.Pour le même escalier, robe n°8 taffetas changeant.
Pour le bureau, et le soir, robe n°7 encore, pour sonner chez lui, tomber sur elle, qui dit à son mari :
« C’était ta femme ».Pour le bureau, robe n°1, du premier jour, impression roses anciennes.
« J’aime beaucoup votre cravate »Pour descendre acheter sa soupe sous la pluie, robe n°9, moucheté gris.
« La pauvre, son mari est toujours parti. Elle est bien apprêtée pour aller chercher des nouilles »Pour rentrer chez soi, voile transparent rayé noir et blanc sur fond noir décolleté dos et devant. Sac à main façon bourse foncée en cuir rose charme.
Pour un premier rendez-vous, robe n°1 du premier jour.
« Où avez-vous eu votre sac ? Où avez vous eu votre cravate ? »Pour marcher avec lui, robe n°7 à nouveau, arc en ciel sombre, sac noir.
Pour dîner avec lui, robe fleurie de jonquilles soleil sur fond parme, col et manches gansés de passementerie vert pâle.
Viande rouge et moutarde.Pour un second dîner, robe n°5, motif croquet noir.
« Pourquoi m’avez vous appelée aujourd’hui ? »Pour rentrer en taxi, robe n°2, entrelacs chocolat.
« Pourquoi ne pas m’avoir appelée ? »Pour un qui pro quo épistolaire et japonais, robe n°7, arc en ciel sombre.
Pour un rendez-vous à l’hôtel, voile de mousseline brodée écarlate sur fond rouge baiser.
Vaste couloir drapé de velours rouge laque.Pour apprendre qu’il est malade, robe n°4, spirales.
Pour faire une soupe de sésame, robe n°7, arc en ciel sombre.
Pour le rencontrer dans la rue en revenant du cinéma, robe n°8, taffetas changeant.
« Que comptez-vous faire ? »
« Recommencer à écrire des romans de chevalerie »Pour écrire seule, robe n°7, arc en ciel sombre.
Pour lire avec lui, robe n°2, entrelacs.
Pour passer le voir, pour avoir peur des voisins, pour attendre que se termine la partie de ma-jong, pour attendre une nuit, puis un jour, avec lui dans sa chambre, imprimé crayonné sinueux rouge sang sur fond chair pâle.
Mules plates satin fuchsia brodé roses rouges, échangées contre escarpins blessants.Pour fêter avec lui ses premiers droits d’auteur, robe n°1, bouquet de roses.
« Ne vous préoccupez pas de moi, c’est vous l’écrivain. »Pour lui téléphoner, ne pas l’avoir au téléphone, robe n°10, verte.
Pour le bureau d’abord, bouquets de fleurs noires sur fond ivoire.
Pour le rejoindre ensuite, chambre 2046, même robe sous un trench de taffetasvermillon.
« Je ne pensais pas que vous viendriez. »
« Nous ne serons jamais comme eux. »Pour écrire avec lui chambre 2046, robe n°6, paysage, sous veste d’homme.
Pour écrire encore, robe n°10, vert cru.
Pour écrire toujours, fond brouillé de fleurs, à peine entrevu.
Et toujours encore, robe n°8, taffetas changeant.
Pour la scène de vérité, soie façonnée quadrillée nacre, à motif guirlande de fleurs bleu de chine, placé sur l’ouverture raglan.
« C’est juste une répétition. »pour l’appeler, demi robe sans manche à fleurs vives, fuchsia, violet, bleu roi, indigo, sur feuillage vert printemps.
« Je ne viendrai pas ce soir »Pour rester chez la logeuse, robe n°19, jonquilles.
Pour le bureau, robe n°32, fleurs noires.
Pour apprendre son départ, écouter ses aveux et pleurer, robe entière n°39, aperçue en 36.
« Ce n’est qu’une répétition »Pour poser sa tête sur son épaule, fleurs de feu sur soie noire.
« Je ne veux pas rentrer chez moi ce soir »Pour passer seule son anniversaire, robe n°8, taffetas changeant.
Pour arriver trop tard chambre 2046, robe n°10, vert cru.
Pour lui rendre visite à Singapour, et s’en aller sans le voir, mousseline turquoise unie, motif guirlande de fleurs ocres, placé sur l’ouverture raglan et le bas de la robe.
Mules roses, en claquant la porte.Pour rendre visite à son ancienne logeuse, 6 ans plus tard, lys blancs et roses d’or sur soie brune, pas de manche.
Pour emmener son petit garçon à l’école, soie à large motif vichy rose et blanc.
Les temps avaient changé, il ne restait rien de cette époque.